Nous embauchons : des prophètes pour un monde nouveau !

Marcel Caron, ispx (Président de la CCIS)
Juin 2021

Alpiniste de l'Esprit

En écrivant ces lignes, la pluie tombe sur Québec… Après plusieurs jours et semaines de sécheresse, ces averses sont plus que bienvenues pour les producteurs agricoles ! Et l’eau qui pénètre la terre assoiffée vient nous rappeler la parole de Dieu au prophète Isaïe :

« Comme descend la pluie ou la neige, du haut des cieux, et comme elle ne retourne pas là-haut sans avoir saturé la terre, sans l’avoir fait enfanter et bourgeonner, sans voir donné semence au semeur et nourriture à celui qui mange, ainsi se comporte ma parole du moment qu’elle sort de ma bouche : elle ne retourne pas vers moi sans résultat, sans avoir exécuté ce qui me plaît et fait aboutir ce pour quoi je l’avais envoyée » (Isaïe 55, 10-11).

Ces mots nous rappellent que nous sommes investis d’une mission puisque nous sommes des porteurs de la Bonne Nouvelle ! Avec l’approche des vacances d’été, avec le déconfinement qui va croissant avec la baisse des infections de la Covid-19 et l’augmentation de la vaccination massive, plusieurs sont tentés de faire relâche et de retrouver un air différent pour respirer ! Et avec raison après un si long confinement !

Mais la réalité est que nous sommes appelés à un engagement de tous les instants ! Car si le déconfinement commence à devenir réalité, nous nous trouvons devant une situation qui a changé. Nos familles ont changé. Nos lieux de travail sont différents. Nos paroisses ont été bouleversées. Nos façons de faire sont transformées. Le monde n’est plus le même !

Cela demande des hommes et des femmes nouveaux, des personnes engagées plus que jamais pour répondre aux besoins criants qui nous entourent. On n’a qu’à écouter les nouvelles pour reconnaître que la pandémie a brisé quelque chose dans le tissu social, l’infectant du grand virus de l’indifférence. C’est comme si les chiffres effarants du début de la pandémie nous ont inoculés contre les surprises qui pourraient secouer notre torpeur. On entend les réfugiés morts en Méditerranée… bof ! On suit les nouvelles de la violence en Birmanie… bof ! On lit dans le journal le 13e féminicide au Québec… bof ! Et c’est sans compter les drames humains vécus par les couples, les jeunes et les familles pris dans une spirale de consommation pour amenuiser les effets du stress covidien !

Espérer contre toute espérance

Mais que ferons-nous alors ? Peut-être faut-il justement retrouver l’appel qui nous a été lancé par l’apôtre Paul : Espérant contre toute espérance, nous sommes ses témoins ! Car c’est au cœur de ce monde que nous sommes appelés comme membres d’un institut séculier à nous engager pour bâtir un monde nouveau. La Covid-19 n’est pas seulement un vilain virus ; c’est peut-être l’occasion d’entreprendre la construction humaine et spirituelle d’une nouvelle société sur des nouvelles bases.

Idéaliste, me lancerez-vous ? Peut-être ! Mais c’est quand des hommes et des femmes commencent à croire à un projet nouveau que la réalité du monde peut changer. J’observe depuis près d’un mois et demi un soulèvement social en Colombie, mené en grande partie par la jeune génération. Et c’est tout un peuple qui commence à rêver que peut-être pouvons-nous construire un nouveau pays… Cela prendra bien plus que des marches multitudinaires, des slogans ou des cris de ralliements !

C’est vrai pour la Colombie… mais c’est vrai pour toute réalité nouvelle que nous voulons voir surgir suite à la pandémie. Cela, il faut commencer à la construire dès maintenant en mettant tous l’épaule à la roue. C’est ensemble que nous devrons prendre le temps de réfléchir, dialoguer, discerner, accompagner, intégrer, accueillir toutes les nouveautés de l’Esprit pour marcher ensemble vers la « cité nouvelle » que nous rêvons. Plus encore, cela exige des prophètes pour un monde nouveau !

Déjà, j’en entends quelques-uns qui se rebiffent en disant « Mais, je n’ai pas de fibre de prophète ! » C’est bel et bien ce que disait Amos, lui qui était un simple berger, ou encore Ezéchiel qui était prêtre avant de se recycler en prophète. Personne ne se lève le matin en disant : je serai prophète. Plus encore, en sachant comment terminent les prophètes, pas surprenant qu’il y ait si peu d’intérêt à poursuivre cette route !

Notre appel comme membres d’institut séculier nous engage non seulement à la transformation spirituelle mais aussi au « renouvellement chrétien du temporel ». Impossible de ne pas s’engager au nom de notre foi pour construire un monde nouveau. Certains membres d’instituts séculiers le font déjà ; que ce soit une Colette qui met sur pied un service d’alimentation desservant 250 familles à chaque semaine, un Miguel qui s’engage dans un organisme de dignification de l’État au Guatemala, des couples associés qui marchent avec les manifestants en Colombie, un Norbert qui prend soin des hommes en voie de rétablissement aux Etats-Unis, voilà toute une inspiration !

Nous embauchons !

Mais nous ne pouvons nous satisfaire que seulement quelques-uns des membres soient engagés socialement ! C’est un devoir de tout chrétien de s’engager pour faire surgir « un ciel nouveau et une terre nouvelle » (Apocalypse 21, 1). « La politique est une forme élevée de charité » nous rappelle le pape François. En relisant le chapitre 5 de l’encyclique Fratelli tutti, nous trouverons peut-être l’élan nécessaire pour cet engagement réel et effectif. Certains y engageront toute leur vie. D’autres seront capables d’un geste spontané de solidarité. Tous, nous deviendrons des acteurs, mieux encore des prophètes, pour la transformation de notre monde.

Peut-être certains s’attendaient à un message plus « relaxe » pour le temps des vacances ! Mais à l’approche de la fête de la saint Jean Baptiste – signe du début d’un temps plus relaxe – l’image du prophète nous secoue en ces temps particuliers. Car nous sommes des hommes et des femmes engagés, qui n’avons qu’une ambition : rendre notre monde plus ouvert à la présence divine. Pour cela nous avons besoin des mains et des bras, de pieds et des cœurs pour s’engager à la grande cause de l’Évangile qui peut transformer le monde. « Nous bâtissons la cité nouvelle » disait le Père Henri Roy, fondateur de la JOC canadienne et de l’Institut Séculier Pie X, lors des 100 mariages en 1939 !  Et cela, c’est l’œuvre des prophètes qui ne sont jamais en vacances ! Avis aux intéressés : nous embauchons !

photo©Pixabay